Portrait d'Olivier Tillement, serial chercheur-entrepreneur à l’Institut Lumière Matière et co-fondateur de 6 startups
14 décembre 2020A l’occasion de la newsletter de ce mois dédiée aux serial chercheurs-entrepreneurs, nous sommes allés à la rencontre d’Olivier Tillement, co-fondateur de 6 startups : Fibercryst, Nano-H, Axint, NH Theraguix, Glincs et MexBrain (ces 3 dernières sont boostées par PULSALYS), et encore aujourd’hui CSO de NH TherAguix et Mexbrain. Olivier Tillement est avant tout responsable de l’équipe Fennec au sein de l’Institut Lumière Matière et Professeur à l’Université Claude Bernard Lyon 1. Nous sommes allés l’interviewer pour en savoir plus sur ses différentes activités et son rôle dans le développement de ces startups.
Olivier, quel a été le déclic qui vous a fait franchir le pas de la création d’entreprise ?
J'ai créé une société de conseil à 19 ans, encore étudiant avec trois camarades de ma promotion en chimie. Cette activité a duré une dizaine d'années et m’a permis de franchir le pas de l’entrepreneuriat. Pour la création de startup, c’est la volonté d’avancer et d’aller « jusqu’au bout » dans mes recherches qui a été le déclencheur.
Pourquoi vous êtes-vous orienté vers la création de startup ?
La création d’une startup n’est pas un objectif en soi, elle répond souvent à un besoin. Quand j’ai une nouvelle idée et que j’y crois, je cherche à la développer le plus efficacement possible. Différentes stratégies sont explorées : utiliser les moyens propres du laboratoire, soumettre des projets (ANR par exemple), ou encore collaborer avec des industriels. Dans certains cas, l'innovation est en rupture « Deep Tech », les données sont amonts et les résultats très incertains ; dès lors les financements classiques sont quasi inaccessibles. Il faut souvent d'abord faire ses preuves. Une structure comme PULSALYS, spécialisée dans le financement de ces innovations Deep Tech, permet une partie des développements. Dans cette situation, créer une startup se justifie et même si ça reste une alternative compliquée, cela permet des développements plus rapides, plus efficaces, tout en conservant sa liberté.
Comment en êtes-vous arrivé à créer 6 startups ?
Depuis mon arrivée à Lyon, il s’est avéré que 6 de ces « idées » ont abouti à la création d’une startup : je suis à l’initiative et co-fondateur de Fibercryst, Nano-H, AXINT, NH TherAguix, Glincs et MexBrain... Et si le nombre peut apparaître élevé, cela reste quand même toujours un débouché minoritaire par rapport aux recherches qu’on a développées. De nombreux autres travaux sont valorisés autrement (publications, collaborations industrielles …) ou n’ont tout simplement pas abouti… C’est le résultat de l’évolution de nos recherches au laboratoire, de nos rencontres et aussi de nos stratégies de financements pour développer les projets.
Quel est votre rôle aujourd’hui dans ses startups ?
Aujourd’hui, je suis CSO salarié de Mexbrain et NH TherAguix qui ont une activité forte en lien avec le laboratoire. Cela représente au maximum 20% en cumulé de mon temps de travail. Plus largement, notre équipe à l’Institut Lumière Matière, et donc la majeure partie de mon temps de recherche universitaire, est liée à des projets et contrats de collaboration avec l’ensemble des startups afin de poursuivre les développements, sauf Fibercryst qui a depuis été vendu à des coréens. Par exemple, sur la collaboration entre la startup NH TherAguix et le laboratoire, nous avons déposé 8 brevets et l’Université en est copropriétaire.
Avez-vous déjà pensé à être CEO d’une startup ?
Ce n’est pas mon métier. Ce que j’aime, c’est être chercheur et avoir cette liberté dans le travail. Si je voulais être dirigeant, il faudrait que je me mette en disponibilité. Je ne pourrais plus continuer les projets en cours, et cela me limiterait certainement trop sur une thématique. De plus, avec la loi actuelle, quand on crée une startup qui exploite nos résultats de recherches, on a la chance de pouvoir rester enseignant-chercheur tout en étant détaché à temps partiel dans la société. C’est une très bonne opportunité.
Comment concilier votre rôle de conseil auprès de ces startups avec vos autres activités ?
C’est facile à concilier car c’est du gagnant-gagnant. La startup permet d’apporter la preuve de concept à la suite de nos travaux de recherche, mais joue aussi un rôle de tremplin vers de nouveaux développements. Cette émulation et la symbiose qui se créent boostent complètement notre efficacité et nos moyens, financiers et humains, pour développer des recherches à plus long terme. Au niveau enseignement, c’est également intéressant car cela donne des expériences à partager avec les étudiants, cela ouvre des stages, des thèses, des postes… Quatre anciens doctorants sont actuellement à la tête de 4 des 6 startups, cela reste à chaque fois une belle aventure humaine.
Selon vous, quels sont les facteurs clés de succès de ces projets ?
En plus du produit et de son application, le point primordial dans la réussite d’un projet reste pour moi l’équipe et la répartition des tâches en fonction des compétences de chacun pour avancer ensemble. Il faut qu’il y ait un climat de confiance au sein de l’équipe pour avancer dans les moments clés et les prises de décision importantes.
Qu’est-ce qui vous anime et que vous apportent personnellement ces projets ?
Ce qui me motive correspond à ce qui m’a fait choisir ce métier : l’envie de rêver, réussir à apporter des produits au service des patients, essayer de faire avancer les sciences, voire la société… Quand on essaie de développer de nouveaux médicaments ou dispositifs médicaux, aider à soigner des patients est extrêmement motivant. A notre première autorisation d’essai clinique obtenue en 2016, notre motivation a été décuplée. Bien entendu, quand on crée des startups, l’argent reste aussi un moteur mais cela n’est pas ma motivation principale. Il ne faut d’ailleurs pas s’attendre à un retour rapide, c’est un pari long et risqué (après un investissement initial). Et sur le plan humain, voir plusieurs dizaines de personnes embauchées sur l’ensemble des startups est aussi une satisfaction.
Quels conseils donneriez-vous à des chercheurs qui souhaitent entreprendre ?
En premier, il faut être clair dans sa tête sur les vraies raisons qui nous poussent à « entreprendre ». Ensuite, croire en son produit et à l’avenir de son entreprise à 5-10 ans. Enfin, être déterminé, tenace et prêt à s’attendre à tout ! Et si tout est OK, il faut vite se lancer dans l’aventure !
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